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Compter les caribous dans les territoires : une opération difficile, mais cruciale

Le rapport de l’inventaire aérien de la harde de caribous Finlayson au Yukon indique que cette population est en augmentation de 24 % par rapport aux derniers relevés de 2017, avec une population estimée à 3359 individus. Au total, 48 heures d’observation ont été nécessaires lors de cet inventaire qui a eu lieu entre le 27 février et 3 mars 2022. Six observateurs à bord de deux hélicoptères ont pris part à cette opération. Cependant, ce résultat est à prendre avec des pincettes, car « la taille de la population est peut-être surestimée en raison des limites de l’application de cette méthodologie d’enquête sur le caribou » indique le rapport publié par le Gouvernement du Yukon en décembre 2022.


« Une approche de précaution consisterait à considérer que la taille réelle de la population est probablement plus proche de l’intervalle de confiance inférieur à 95 % de 3 085 animaux, » peut-on lire dans le rapport de quatorze pages.


Pour Chantelle Rivest, responsable des communications au ministère de l’Environnement du gouvernement du Yukon, « il y a toujours une certaine quantité d’erreurs dans toute étude scientifique en raison de certaines limites de la méthodologie utilisée. »


(Crédit photo : Nelly Guidici)

Pour Sebastian Jones, analyste de la faune, des poissons et de l’habitat au sein de la Yukon Conservation Society (YCS), aucune méthodologie ne permet d’obtenir des chiffres précis et il convient d’appréhender les résultats de l’inventaire avec précaution.


« [Les chiffres présentés sont] des estimations et, même si l’inventaire a été fait avec soin, il n’est pas possible de compter tous les individus. Il y a de vastes zones hors de l’aire de répartition habituelle où vivent des caribous qui n’ont pas été inspectées parce qu’il n’est pas possible de tout survoler. »


Selon Malkolm Boothroyd, coordinateur des campagnes de l’organisme Canadian Parks and Wilderness Society (CPAWS) à Whitehorse au Yukon, il est difficile d’évaluer le nombre d’individus dans une harde de caribous. Les raisons de ces difficultés sont multiples et le nombre d’individus dans une harde varie aussi de façon naturelle en fonction de l’accessibilité de la nourriture ainsi que de la présence et le nombre de prédateurs.


« Il est difficile de procéder à des inventaires aériens et les conditions météorologiques doivent être idéales. Il y a un certain nombre de raisons qui expliquent pourquoi il faut de nombreuses années pour obtenir de bonnes estimations des populations de caribous, » explique M. Boothroyd.


De plus, M. Jones rappelle que l’ensemble des chiffres avancés dans le rapport sont une estimation, et non des données exactes. La superficie du territoire de la harde de caribous Finlayson étant trop grande, l’inventaire n’a pu se faire que sur une partie de ce territoire ou des traces de fréquentation étaient présentes, c’est-à-dire avec des empreintes de sabots dans la neige visibles depuis le ciel.


« Il semble assez clair d’après le rapport que le troupeau ne diminue pas, qu’il grandisse ou non, c’est presque une supposition. Lorsque le rapport indique une croissance de 24 %, il s’agit certainement d’une estimation, mais cela dépend de la précision de cet inventaire et du précédent effectué en 2017, » précise-t-il.


Les techniques d’inventaires utilisées aux TNO et au Nunavut

Les gouvernements du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest ont une approche collaborative et gèrent conjointement les hardes de caribous de la toundra transfrontalières. Lors des derniers inventaires effectués en 2021, un déclin des hardes Bathurst et Bluenose-West a été constaté avec une baisse respective de 24 % et 13 % du nombre d’individus. Cependant les hardes de Bluenose-East, Cape Bathurst et Tuktoyaktuk Peninsula sont en augmentation ; le nombre de caribous de cette harde a doublé en 3 ans. La méthodologie d’inventaire aérien utilisée pour les hardes transfrontalières est identique à celle utilisée au Yukon.


Par ailleurs, lors des inventaires aériens des hardes des TNO et du Nunavut, une série de photographies aériennes haute résolution, prise lors des survols des aires de haute fréquentation des caribous permet d’établir une source d’information visuelle supplémentaire permettant d’établir des chiffres qui sont, selon le ministère de l’environnement et des ressources naturelles « très précis ». En revanche, pour la harde de caribous Finlayson, aucun matériel photographique n’a été utilisé pour appuyer les observations et comptages lors des survols.


« [Pour l’inventaire de la harde Finlayson] il n’y a pas eu de relevé photographique et aucune observation depuis le sol n’a été intégrée dans le rapport, » explique Chantelle Rivest.

Protéger l’habitat

Pour le ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles, « les récents relevés aériens montrent que de nombreux troupeaux de caribous de la toundra des Territoires du Nord-Ouest et du Nord sont en déclin ». Les observations et informations locales sont considérées comme nécessaires par ce ministère pour concevoir des stratégies de protection et de gestion des hardes de caribous de la toundra pendant cette dépression actuelle.


Le 16 juin 2022, le ministre de l’Environnement du Nunavut, David Akeegaok et le ministre de l’Environnement et des Ressources naturelles des TNO, Shane Thompson se sont rencontrés dans le cadre de leur collaboration sur la gestion du caribou de la toundra. Des organismes autochtones des deux territoires étaient aussi présents à titre de partenaires de cogestion. Lors de cette réunion, l’objectif commun de « surveillance, de gestion et de conservation pour le rétablissement des hardes de caribous transfrontalières partagées, notamment les hardes de Bathurst et de Beverly » a été réitéré.


Sebastian Jones estime que la protection de l’habitat des caribous est essentielle à leur survie quand bien même les résultats du dernier inventaire aérien de la harde Finlayson présentent une augmentation du nombre d’individus.


« Je pense que la chose la plus importante que nous puissions faire au Yukon, et je pense que c’est vrai partout ailleurs, est que si nous prenons soin de l’habitat et de la terre, les caribous prendront soin d’eux-mêmes. Le problème auquel nous devons faire face, avec les caribous, c’est la poursuite d’un objectif de développement industriel par le gouvernement du Yukon, mais dans d’autres parties du Canada, cela inclut la foresterie et le secteur des loisirs, » pense-t-il.


M. Boothroyd estime aussi que l’habitat du caribou est un aspect essentiel dans la gestion et la conservation des hardes. Il rappelle que les développements miniers en cours au Yukon sont une source de nuisance importante pour les hardes. En juin 2022, le gouvernement du Yukon a approuvé l’ouverture prochaine d’une mine de zinc, de cuivre, d’or et de plomb à 115 kilomètres au sud-est de la collectivité de Ross River, sur le territoire traditionnel de Ross River Dena Council. Appelé Kudz Ze Kayah, ce projet minier ne fait pas l’unanimité pour M. Jones.


« Le fait que l’inventaire aérien le plus récent indique que le nombre d’individus de la harde [Finlayson] ne décline plus ne signifie pas qu’il est acceptable de construire une mine au milieu de l’habitat des caribous qui demeure vital, » conclut-il.

Articles de l'Arctique est une collaboration des cinq médias francophones des trois territoires canadiens : les journaux L'Aquilon, l'Aurore boréale et Le Nunavoix, ainsi que les radios CFRT et Radio Taïga.

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