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Forêts boréales et climat : un rapport exhaustif

Dans un rapport publié par le Centre de foresterie du Nord à Edmonton, une équipe de scientifiques met en évidence la décroissance des forets ténoise et clarifie nombre de facteurs en cause. Entre variabilité météorologique, fonte du pergélisol et hausse des températures, le rapport énonce aussi les nombreuses incertitudes restant à clarifier.


Les forêts du Nord du Canada sont en pleine transformation. Leur croissance diminue. Le pergélisol avec lequel elles partagent le paysage est en train de fondre. Les feux de forêt et les inondations ont aussi des conséquences importantes sur la santé de la couverture forestière. La sensibilité amplifiée des forêts les laisse vulnérables aux insectes ravageurs ou aux champignons, dont les populations sont en train de changer.


Tous ces facteurs, qui indépendamment semblaient assez bien compris par les scientifiques, prennent une autre dimension lorsque considérés dans leur ensemble et avec toutes leurs interactions. C’est ce que les membres de l’équipe du Centre de foresterie du Nord, une branche de Ressources naturelles Canada, ont tenté de faire dans la rédaction de leur premier rapport de connaissance, dévoilé il y a quelques semaines.


Derrière ce rapport, on trouve une équipe d’une vingtaine de spécialistes des forêts, majoritairement basées à Edmonton en Alberta. Leur objectif, compiler les connaissances accumulées depuis plusieurs décennies sur les écosystèmes forestiers du Nord et leur évolution.

Une compilation de données importantes

Jakub Olinski, écologue forestier coauteur du rapport et seul membre du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest dans l’équipe, l’annonce, l’objectif était de « compiler les connaissances proposées par les études scientifiques déjà réalisées par différents groupes de recherche pour les rassembler dans une publication unique ».


Ce rapport, long de presque 200 pages, a pour fonction de servir de base pour les différents services du GTNO concernés par les problématiques forestières. D’après M. Olinski, ils sont nombreux, au-delà du ministère de l’Environnement et des Ressources naturelles, « qui a évidemment déjà exprimé son intérêt pour ce travail ».


« Il [le rapport] sera probablement utilisé par les employés du service de la faune, pour le chapitre sur les caribous, poursuit l’écologue. J’ai aussi déjà reçu des retours positifs des équipes travaillant sur le changement climatique, de la division des ressources en eau. »


Les conséquences du changement climatique sur les forêts sont divers. Parmi eux, des modifications de l’hydrologie des sols sont à prévoir. (Crédit photo : Lambert Baraut-Guinet)


En réalité, explique-t-il, « cela dépend vraiment de la manière dont vous considérez les forêts ». Dans le Nord canadien, la forêt boréale est au centre de presque tous les processus écologiques. Elle filtre l’eau, peut être considérée comme une ressource pour la construction, le chauffage, un habitat pour la vie sauvage, une source d’alimentation. Les exemples sont abondants.


Ce rapport servira ainsi de base pour alimenter les discussions autour de ces sujets. Mieux, en lançant la collaboration entre le GTNO et le Centre de foresterie du Nord, l’ambition est aujourd’hui de poursuivre en étudiant plus en profondeur les vulnérabilités spécifiques des forêts du sud des TNO.


Un rapport devrait suivre sur ces environnements spécifiques, où les forêts « sont les plus productives des TNO », expliquent les auteurs dans le présent rapport, « et qui englobent la partie sud de l’aire de répartition du caribou des bois. »

Interactions et complexité

Ce qui transparait de ce rapport, c’est bien l’extrême complexité à expliquer simplement la diversité des mécanismes et des relations entre les réservoirs et les phénomènes naturels qui ont cours dans le nord du Canada.


Avec les changements climatiques et environnementaux observés depuis des décennies, il ne s’agit plus simplement de comprendre, mais également d’anticiper pour s’adapter. Comme l’explique Erin Fraser-Reid, auteure du rapport et responsable de recherche sur l’adaptation des forêts au Centre de foresterie du Nord, « des changements climatiques qui semblent relativement faibles peuvent avoir un effet important sur la forêt. »


« Que le climat se réchauffe et que la saison de croissance s’allonge dans les TNO peut être bon pour les arbres, car cela leur laisse plus de temps pour pousser, explique-t-elle. Mais si cela ne s’accompagne pas de la bonne quantité de précipitations, cela risque au contraire de fragiliser les arbres, qui ne pousseront pas bien. »


Dans cette configuration, explique la scientifique, les arbres peuvent se retrouver dangereusement faibles, sensibles aux parasites et aux insectes ravageurs, voire plus inflammables, « ce qui peut mener à des feux plus importants ».

Un équilibre précaire

Jakub Olinski l’explique, lui, par un état d’équilibre dans lequel se trouvent les forêts du Nord : « Les forêts nordiques ont besoin d’un certain niveau de perturbation, d’incendies et d’autres perturbations naturelles, comme les épidémies d’insectes et les maladies, pour se reconstituer et se renouveler. »


L’objectif du rapport est donc également, d’après M. Olinski, de recenser les connaissances sur le sujet pour mieux comprendre la manière dont les forêts se comportent lorsque cet équilibre est rompu. « Chaque écosystème a un point de bascule, explique l’écologue ténois, un point à partir duquel les conditions ne sont plus équilibrées. »


« Il est déjà difficile de savoir exactement où se situe cet équilibre, continue-t-il, alors en ajoutant le changement climatique, qui va les modifier alors qu’ils sont relativement stables depuis des milliers d’années, cela nous donne cette situation très complexe. »

Des spécificités nordiques

Cette complexité est encore amplifiée par un phénomène spécifique à nos régions : le pergélisol. Cette couche de sol, gelée en permanence, subit de plein fouet les effets du changement climatique et de la hausse des températures.


Comme l’explique Jakub Olesinski, le pergélisol « ajoute une dimension différente à la façon dont le changement climatique peut progresser ».


« Le pergélisol, c’est de la glace. Et en fondant, la glace devient de l’eau, qui doit bien aller quelque part, continue l’écologue, et, ce faisant, modifier l’hydrologie, transformer les paysages et influer sur la sensibilité aux incendies. »


Ce phénomène se produit déjà dans le sud des TNO, où le pergélisol est discontinu. À Scotty Creek, une station de recherche spécialisée dans l’étude du pergélisol à 50 kmau sud de Fort Simpson, les scientifiques ont enregistré une perte nette d’environ 10 % de la surface de pergélisol entre 1970 et 2002.


À long terme, ces changements dans la nature du sol devraient entrainer une modification dans la répartition des différentes essences d’arbres de la forêt, voire son remplacement par des arbustes et des mousses.

Besoins de toutes les connaissances

Ce rapport sur les forêts et le changement climatique a également un mérite, d’après Jakub Olinski : « il pointe du doigt dans chaque chapitre, les manques de connaissances que nous devons combler ».


Ce rappel que la recherche est aussi un phénomène en constante évolution met aussi à jour un autre aspect de ce travail cher à l’écologue forestier : « communiquer avec nos partenaires des gouvernements autochtones, pour partager ces connaissances avec eux et obtenir leur contribution du point de vue des connaissances ancestrales, pour proposer des options d’adaptation. »


Cette complémentarité pourrait aussi permettre de clarifier, grâce à des connaissances anciennes, les mécanismes au sein de l’écosystème boréal, dont les populations autochtones font partie depuis longtemps et réduire au passage un peu de la complexité qui entrave notre capacité à prédire.


« Tout est si étroitement lié, si interconnecté, conclut Erin Fraser-Reid. Si vous tirez sur un seul fil, cela a des effets sur tout le reste, c’est ça, la vraie leçon à retenir. »

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