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Les risques de la navigation arctique

Les mesures de sécurité de la navigation en Arctique canadien sont-elles suffisantes ?


Nelly Guidici

Les eaux arctiques demeurent peu connues et seulement 15 % sont cartographiées

par le service hydrographique de Pêches et Océans Canada. (Crédit photo : Pêches et Océans Canada)


Dans un rapport du 21 mai 2021, le Bureau de la Sécurité des Transports du Canada (BST) a demandé la mise en place de mesures obligatoires d’atténuation des risques pour les navires à passagers exploités dans l’Arctique canadien.


Cette recommandation a été adressée à Transports Canada ainsi qu’à Pêches et Océans Canada qui ont une responsabilité partagée dans la mise en œuvre des mesures d’atténuation des risques liés à la navigation en Arctique. Le BST, qui est un organisme indépendant, a rendu un rapport d’enquête suite au naufrage, en août 2018, du navire russe Akademik Ioffe qui transportait 102 passagers et 61 membres d’équipage. Faisant cap vers les îles Astronomical Society, à près de 150 kilomètres au nord-ouest de la collectivité de Kugaaruk au Nunavut, le navire s’est échoué dans une zone très éloignée et en eaux peu profondes, sans faire de victimes.


Le manque de relevés cartographiques de la région est souligné dans le rapport.

« Cette enquête a permis de déterminer que l’exploitation de navires dans l’Arctique canadien présente des risques particuliers, car les navires à passagers sont souvent exploités dans des zones qui n’ont pas été cartographiées selon des normes modernes, dans des conditions climatiques rigoureuses et avec peu de ressources de recherche et de sauvetage », peut-on lire dans le communiqué du BST.


Une réponse attendue

Dans un échange de courriel, Transports Canada a indiqué « prendre très au sérieux tous les incidents qui mettent en cause la sécurité maritime, et accueillir favorablement le rapport d’enquête final du Bureau de la sécurité des transports sur le navire à passagers Akademik Ioffe. » Une réponse commune des deux ministères impliqués devrait être rendue dans un délai de 90 jours.


Pêches et Océans Canada a la responsabilité de cartographier les eaux navigables au Canada, y compris en Arctique. Or, le rapport indique que « tant que les eaux côtières entourant l’archipel Arctique canadien ne sont pas correctement cartographiées, et si d’autres mesures d’atténuation ne sont pas mises en place, le risque que les navires talonnent le fond de façon imprévue persiste. »


À l’heure actuelle, 15 % de la surface maritime en Arctique est connue et cartographiée de façon correcte. Les navires sont encouragés à emprunter les corridors de navigation à faible impact qui sont davantage répertoriés et dont 40 % de ces voies navigables sont cartographiées.


« Présentement on essaye de mettre notre priorité sur les corridors de navigation à faible impact, indique Louis Maltais, directeur des services géospatiaux pour la navigation à Pêches et Océans Canada. Il y a des corridors primaires et secondaires. Nous on essaie de s’assurer de bâtir ce réseau de routes arctiques, mais on sait que dans le cas des navires de passagers, la complexité c’est qu’ils se font de la publicité et vont explorer en dehors de ces corridors-là. »


Pour M. Maltais, les cartes produites par le service hydrographique répondent aux normes internationales, cependant, la carte et les données utilisées par le capitaine et l’équipage de l’Akademik Ioffe venaient de levées de reconnaissance, donc de données incomplètes.


Pour le directeur du Conseil québécois d’études géopolitiques et spécialiste du transport maritime dans l’Arctique, Frédéric Lasserre, les facteurs de risque sont réels. « Si les navires sortent des chenaux principaux, où la qualité de l’information sur la bathymétrie [mesure des profondeurs et du relief de l’océan] est relativement correcte, quelle intensité de risque [le capitaine] prend-il ?, demande le chercheur. Compte tenu de l’inertie d’un navire, si on s’aperçoit qu’il y a un récif qui se profile droit devant, on peut se demander dans quelle mesure on peut éviter la collision. »


Les défis de la cartographie arctique

Cartographier les eaux arctiques est une tâche difficile selon Louis Maltais de Pêches et Océans Canada, qui souhaite cependant améliorer l’offre de cartes basées sur des données fiables. « Il faut comprendre que l’Arctique est un territoire dans lequel il n’est pas facile de travailler, dit-il, car il y a des contraintes énormes et la fenêtre d’opération est assez faible. »


Si la fonte de la glace apporte la perspective d’une offre de tourisme inédite, le spécialiste Férédic Lasserre rappelle que les dangers de la navigation dans les eaux arctiques sont présents. « Ce n’est pas parce que la glace fond que c’est devenu facile de naviguer dans cette région », conclut-il.

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