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Mettre des noms sur les visages

Des milliers de photos d’archives manquent encore d’identifier les Autochtones qui y figurent. En collaboration avec Bibliothèque et Archives Canada, le projet « Un visage, un nom » s’est donné pour objectif d’identifier ces oubliés de l’Histoire.


Pendant de nombreuses années, aux 19e et 20e siècles, les employés du gouvernement qui vivaient dans ce qui est maintenant le Nunavut ont photographié et documenté la population locale dans leurs activités quotidiennes. Ces photographies, qui se comptent par milliers, sont conservées dans les archives, mais elles présentent une lacune grave : la grande majorité des Inuits photographiés n’ont jamais été identifiés.


À ce jour, Bibliothèque et Archives Canada (BAC) conserve des milliers de photos des peuples des Premières Nations, des Métis et des Inuits qui n’ont jamais été identifiées. Il y a 20 ans, un programme a été lancé pour tenter de résoudre ce problème : le projet Un visage, un nom vise à identifier des photographies grâce à la participation communautaire.


« Il s’agit d’un projet visant à donner une certaine dignité aux photos de la collection de la Bibliothèque et Archives Canada », explique Ellen Bond, adjointe de projet et de la Direction générale de la Diffusion et engagement de la Bibliothèque et Archives Canada.


La responsable a précisé que l’absence de noms sur les photographies ne concernait que des personnes autochtones. « Lorsqu’il y avait une personne blanche sur la photo, son nom était donné. Ces noms figurent toujours dans les archives, mais nous avons des milliers de photos sans noms », dit-elle.


En 2002, le projet a démarré avec 500 photos d’Inuits prises au Nunavut. Les ainés ont pu identifier 75 % des gens sur ces photos, ce qui a dépassé toutes les attentes. En 2015, le projet est devenu un projet national pour inclure tous les peuples autochtones. Le projet a déjà permis d’identifier des milliers d’invididus.


Aujourd’hui, le projet continue à inviter les Canadiens à essayer d’identifier toutes les personnes qui restent anonymes sur des milliers de photos. « Ce qu’on essaie de faire, c’est d’utiliser l’engagement communautaire, surtout dans le Grand Nord », poursuit Ellen Bond. Elle explique que c’est par le biais des réseaux sociaux qu’ils tentent d’atteindre le plus grand nombre de personnes possible.


Le projet Un visage, un nom, opère notamment à travers ses pages Facebook et Twitter.

« La plupart des fois, nous postons trois photos par semaine en demandant à nos abonnés s’ils connaissaient quelqu’un sur les photos ou s’ils ont des informations », décrit Ellen.


Parfois, la publication reçoit un certain nombre de réactions et des informations précieuses lui parviennent. « Dans 30 % des cas environ, nous obtenons des informations sur les photos, et qui peuvent être un nom. Mais il peut aussi s’agir de plusieurs noms, d’un lieu, du type de vêtements qu’ils portent, ou de différents outils qu’ils utilisent dans l’image », raconte la responsable du projet.


Organiser les recherches

Il est arrivé par le passé que les recherches se fassent sur le terrain, dans la communauté concernée, en comptant sur l’aide des anciens pour reconnaitre des visages sur les photos. Et ça a été une réussite.


« Se rendre dans les communautés serait le meilleur moyen de le faire, mais c’est très cher », observe Ellen Bond. Elle signale que les conditions ne sont pas toujours favorables à ce type de recherche en place. « C’est juste à cause de la distance et de l’argent. Nous n’avons pas les moyens pour aller dans les communautés, et c’est pour ça que nous utilisons les médias sociaux ».


Ellen Bond dit que c’est toujours très émouvant lorsque les gens se reconnaissent sur les photos, ou reconnaissent des membres de leur famille ou des amis. « Oui, il y a de belles histoires et les gens sont très émotifs. Ils sont extatiques quand ils trouvent des photos de leur famille. On comprend vite qu’ils deviennent très heureux ».


Il reste encore un long chemin à parcourir avant d’identifier beaucoup de visages et ainsi nettoyer des restes d’une mentalité colonialiste des archives.


« Cela prend beaucoup de temps, car des milliers de photos ont été données aux archives, mais les photographes n’ont pas pris le temps de recueillir les noms des gens », note la responsable.


« Nous avons des milliers de photos numérisées, mais aussi des milliers de photos qui ne sont pas numérisées et qui ne sont pas encore accessibles. On a peut-être juste moins de 2 % de toute notre collection en ligne. Ce ne sont pas juste des photos, c’est aussi tous les documents, mais cela inclut les photos quand même. Et donc c’est un long processus », admet Ellen Bond.


L’omission des noms des autochtones est le reflet d’une époque dont la mentalité est aujourd’hui désuète. Résoudre ce problème est un pas vers la réconciliation. Alors qu’elle vivait à Whitehorse, Ellen Bond se souvient d’une discussion avec un ainé qui lui a évoqué une réflexion.


« Un ainé m’a dit qu’il faudrait sept générations pour guérir le traumatisme du colonialisme. Si l’on pense à sept générations, ça fait 140 ans peut-être. Je me dis que dans 140 ans, oui, on sera dans un meilleur état que maintenant. »

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