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Non-ayants droit à l’école francophone : Au tour de la cour d’appel d’entendre l’affaire

Le gouvernement des TNO évoque la possibilité de réintroduire sa directive ministérielle sur les admissions, abolie en 2020, advenant un jugement.


Depuis que le gouvernement territorial a aboli sa directive sur les inscriptions à l’école francophone, en 2020, tout juste cinq élèves, dont quatre à l’École Boréale de Hay River, ont été admis en vertu du nouveau règlement considéré comme plus permissif que la directive. (Crédit photo : Thomas Chabot)



«Nous sommes persuadés que les juges entendront favorablement nos arguments», commente le président de la Commission scolaire francophone des TNO (CSFTNO), Simon Cloutier. Le litige sur les admissions à l’école francophone, qui oppose depuis plusieurs années le conseil scolaire et un groupe de parents au gouvernement territorial, a été entendu par la Cour d’appel des TNO le 31 mai.


C’est devant un panel de trois juges que le gouvernement territorial, porteur de l’appel, a présenté ses motifs pour faire renverser deux jugements du tribunal de première instance, lequel avait durement critiqué la manière dont le ministre de l’Éducation s’était acquitté de sa responsabilité d’examiner les demandes de sept enfants pour s’inscrire au programme de français langue première.


Pour Me Guy Régimbald, qui représente le gouvernement des TNO (GTNO), la Cour d’appel ne doit «pas vérifier les fondements des décisions du juge Rouleau» de la Cour suprême territoriale, mais plutôt refaire le travail en prenant pleinement connaissance de l’argument porté par son client. De fait, la présentation du GTNO reprenait essentiellement les mêmes arguments que ceux avancés en Cour suprême territoriale en 2018 et en 2019.


Rappel des faits

Cette cause débute au milieu des années 2010 avec un premier enfant — identifié par les initiales A. B. — qui tente de s’inscrire à l’école francophone. A. B. n’est pas un «ayant droit», c’est-à-dire une personne qui correspond aux critères de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, soit, pour l’essentiel, une personne dont l’un des parents a reçu une éducation en français au Canada.


À cette époque, le gouvernement territorial encadre l’admission des non-ayants droit par une directive ministérielle. La directive détaille certaines catégories d’enfants admissibles, par exemple les immigrants francophones. Ceux qui ne correspondent pas à ces catégories peuvent demander à ce que leur dossier fasse l’objet d’une attention particulière du ministre de l’Éducation qui peut, à sa discrétion, choisir d’accorder l’admission. C’est ce que fait A. B., mais le ministre rejette sa demande. La famille, avec l’appui de la commission scolaire, demande la révision judiciaire de la décision ministérielle.


Un an après l’audience en Cour suprême territoriale, six autres dossiers d’admissions font l’objet d’une démarche similaire. Au terme de la révision judiciaire, le juge Rouleau conclut que le ministre n’a pas étudié sérieusement les demandes de ces enfants et réclame qu’on reprenne l’examen des dossiers et que, cette fois, le ministre tienne compte dans sa décision de l’intention réparatrice de la Charte à l’égard de l’éducation en langue minoritaire.

Ce sont les décisions dans ces deux affaires que le gouvernement territorial a portées en appel.


Usurper le pouvoir du ministre

De ce qui ressort de la présentation de Me Régimbald, le gouvernent réfute l’idée qu’une décision défavorable du ministre démontre de la négligence dans l’étude des dossiers. Selon l’avocat, «si le ministre ne peut pas refuser l’admission, alors la discrétion ministérielle est vidée de son essence». Pour lui, en forçant la main du ministre pour qu’il admette les enfants dont le dossier est appuyé par la commission scolaire, on vient «usurper» son pouvoir.


L’avocat du gouvernement insiste pour mentionner que des non-ayants droit sont bel et bien admis en vertu de la directive ministérielle et il cite un cas historique où un enfant hors des critères de la directive a été admis à la discrétion du ministre. Il s’agissait d’un enfant non-ayant droit, mais dont le français était la seule langue officielle comprise.


Le gouvernement avance en outre que le ministre n’a pas besoin d’employer son pouvoir discrétionnaire dans une intention de favoriser le développement de la communauté francophone puisque cette communauté serait déjà en croissance. L’avocat cite les données du Recensement de 2016 à l’appui. «La communauté continue de croitre, affirme Me Régimbald. Sa viabilité n’est pas compromise.»


Enfin, le GTNO rappelle son devoir d’administrer convenablement les fonds publics et insiste sur une potentielle explosion des couts qu’entrainerait une augmentation soudaine du nombre d’enfants admis dans le programme de français langue première. On avance que les élèves des écoles francophones coutent, en moyenne, 2000 $ de plus à l’État que ceux des programmes de langue anglaise.


Questionné par la juge P.A Rowbotham qui préside le panel de trois juges, Me Régimbald a dû expliquer quel est l’intérêt du gouvernement territorial de porter en appel une cause relevant d’une directive ministérielle qui a été abolie. L’avocat a évoqué la possibilité d’un rétropédalage du gouvernement. Selon lui, advenant un jugement de la Cour d’appel en sa faveur, le gouvernement pourrait envisager de révoquer son règlement sur les admissions mis en place l’an dernier et réinstaurer la directive ministérielle.


Gymnastique intellectuelle

Pour sa part, Me Francis Poulin, qui représente la Commission scolaire francophone, voit les choses d’un tout autre œil. Pour lui, c’est plutôt en refusant systématiquement l’admission des élèves hors des critères de la directive que le ministre a rendu caduque son pouvoir discrétionnaire.


Pour Me Poulin, les refus à répétition constituent «une entrave» et font davantage montre d’une volonté de rétreindre l’accès aux écoles francophones plutôt qu’une intention d’exercer son pouvoir au bénéfice du développement de la communauté. D’après l’avocat, dans ses examens des dossiers en litige, le ministre de l’Éducation s’est livré à une «gymnastique intellectuelle» pour trouver des raisons de dire non.


«Un pouvoir discrétionnaire ne doit pas être arbitraire, affirme Me Poulin à la Cour. Il faut que ça se base sur l’étude des dossiers. Le ministre, lui, se dit “on va dire non tout le temps parce qu’on a le droit”.»


L’avocat a enfin invoqué la récente décision de la Cour suprême du Canada dans la cause du Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique qui, d’après lui, demande à ce qu’on n’apporte pas une importance décisive aux couts pour encadrer l’exercice du droit à l’instruction dans la langue de la minorité.


Cour bilingue

L’audience s’est déroulée devant une Cour plus bilingue que francophone. La juge Rowbotham qui préside le panel est bilingue et s’est exprimée principalement en français dans les procédures. Ses collègues, les juges Crichton et Tanner, suivaient les délibérations par l’entremise d’un interprète.


Me Régimbald, qui représente le GTNO, s’est exprimé essentiellement en anglais, alors que Me Poulin représentant la CSFTNO a fait sa plaidoirie en français.


L’audience s’est déroulée de manière virtuelle, tant les deux avocats que le panel de juges, se sont joints à la Cour par vidéoconférence. Les délibérations étaient retransmises sur écran dans une salle d’audience du Palais de justice de Yellowknife, où se trouvait la greffière de la Cour.


Pour le président de la CSFTNO, Simon Cloutier, ce format donne un léger désavantage aux parents et à la commission scolaire. «Sans rien enlever aux juges anglophones, commente-t-il lors d’une entrevue au lendemain de l’audience, c’est beaucoup plus difficile pour eux de comprendre la réalité que nous vivons. Pour eux, ce sur quoi ils peuvent se baser, c’est vraiment les textes de loi, mais ce que nous défendons, c’est beaucoup plus large que ce qui est écrit dans les lois ou dans la Charte; c’est plus au niveau de l’esprit de la loi. Et quand tu n’as pas une bonne connaissance de ce qu’est un francophone minoritaire, c’est beaucoup plus difficile [de saisir ces notions].»


«C’est un peu là-dessus que le gouvernement des TNO joue, poursuit M. Cloutier. Il se dit “on va aller voir, on présente les mêmes arguments, on a de bonnes chances de tomber sur des juges anglophones”. On verra ce qui en découlera, mais j’ai l’impression que c’est un peu ça qui est l’idée derrière cet appel.»


Médias ténois a sollicité un entretien avec le ministre de l’Éducation, mais celui-ci a indiqué préférer réserver ses commentaires jusqu’à ce qu’une décision soit rendue.

La cause est maintenant en délibéré. Aucun échéancier n’a été donné pour la présentation d’une décision.

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