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Parcours de vie

Pendant 21 jours, Mila Benoît, accompagnée de son compagnon, a parcouru le sentier Canol, l’une des randonnées les plus difficiles du Canada.


Cécile Antoine-Meyzonnade, L'Aquilon

« Quand tu es sur les hauts des sommets, que tu observes encore plus les paysages, c’est ce que j’aime. » (Courtoisie Mila Benoît)


Un pas après l’autre, effort après effort, la route fût longue et semée d’embuches. Cependant, le sentier Canol, célèbre dans le Canada pour ses dangers, son histoire et sa beauté, n’a pas eu raison de Mila Benoît.


Cet été 2020, la jeune résidente de Hay River et son compagnon, Pierre-Benoît Rondeau-Chalifoux, se sont lancés par monts et par vaux à la découverte du chemin de randonnée construit dans les années 1940 (voir encadré).


Au commencement, une envie forcenée de marcher et de fouler des sentiers aux Territoires du Nord-Ouest. Cela faisait déjà plusieurs années que la randonnée était son sport de prédilection.


« Tu vois la nature d’une autre façon, confie-t-elle. Quand tu es sur les hauts des sommets, que tu observes encore plus les paysages, c’est ce que j’aime. »


Quelques clics sur Internet ont suffi à Mila Benoît pour affiner sa recherche : le sentier Canol allait devenir son nouveau chemin de bataille.


« Lorsqu’il fallait trouver des informations plus techniques dessus, c’était plus difficile et j’ai réalisé qu’elle n’était pas tant fréquentée », se souvient-elle. Autour de la Ténoise tenace, tout le monde lui confie que le voyage qu’elle s’apprête à commencer est un « grand défi ».

Loin de refroidir ses envies de plein air, elle recrute une petite troupe de deux personnes, et en route pour l’aventure.

Devant le passage du Diable (Devil's Pass), Pierre-Benoît Rondeau-Chalifoux pose avec, à ses pieds, un discret vestige de l’ancienne ligne de télégraphe. (Courtoisie Mila Benoît)


Se préparer à tout

La semaine précédant le départ, 75 livres de nourritures sont déshydratés, l’équivalent des besoins de trois personnes pour 21 jours. Pour éviter de transporter ce fardeau important sur le dos, les aventuriers s’organisent avec la compagnie d’aviation qui les amène à la première étape. Des paquets de nourriture seront disposés à divers lieux stratégiques de leur passage. « Ça nous a sauvé bien des maux !, souligne en riant Mila Benoît. Avec autant de nourriture sur le dos, c’est faisable, mais beaucoup moins accessible. »


Sac à dos bouclé et moral d’acier, les trois marcheurs s’envolent à la frontière du Yukon, au départ du sentier Canol.


« Du mile 222 à 170, le sentier a vraiment été bien entretenu, se rappelle-t-elle. Ce n’est pas très large, mais la navigation se fait très facilement. »


Après avoir passé cette première étape et récupéré le premier colis de victuailles, coup de massue sur le bataillon : le troisième randonneur se blesse au tibia, laissant Mila Benoît et son compagnon accablés.


« On a pris une journée de repos dans l’espoir que la blessure désenfle, mais la douleur était trop intense. »


Un coup de fil satellite plus tard, le blessé est emmené en avion. « Nous étions dans un sentiment très mixte, notre ami partait et, quand tu commences en groupe, tu veux finir en groupe, se souvient-elle. Et à la fois, on a eu la chance de voir arriver deux personnes lorsque l’avion est venu le chercher. »

« Avec la vie sauvage autour, ça peut être plus dangereux à deux, tandis qu’à quatre, c’est vraiment plus sécuritaire », précise Mila Benoît qui confie qu’elle n’aurait cependant pas arrêté l’expédition pour autant.

L’un des passages obligés du sentier Canol, le canyon Dodo. (Courtoisie Mila Benoît)


Tête dure et forme d’acier

« Les personnes qui me connaissent savent que je suis quelqu’un de très positif. » Tout le long, le moral est donc resté au beau fixe. « Je m’attendais à ce qu’on a vécu, mais Pierre-Benoît [Rondeau-Chalifoux] qui a l’habitude d’avoir des pics d’adrénaline avec les sports qu’il pratique […] n’avait pas ces côtés-là, et c’était plus dur niveau moral. »


Malgré tout, les deux aventuriers ont découvert le bonheur dans les paysages. Une adrénaline entretenue par les étendues verdoyantes, les roches de granite et les canyons creusés à la force des éléments. « Les paysages, ça valait chaque pas qu’on faisait, chaque douleur qu’on supportait », se remémore-t-elle, foulant encore le sentier de ses souvenirs.


« On marche et une vingtaine de caribous nous suit tout au long d’une vallée. Voir un grizzli manger une vieille carcasse le long d’une rivière, ce sont des moments indescriptibles. »


Autour d’eux, les périodes s’entremêlent, de vieilles pierres datant de la naissance des continents aux ossements rouillés de voitures des années 50, témoins abandonnés du temps passé.

Parmi la multitude de souvenirs accumulés, l’un des meilleurs moments restera certainement le passage de la rivière Twitya. Cette étape est considérée comme l’une des trois plus dangereuses du sentier Canol : « Quand tu réussis à passer une des grosses étapes, et qu’en plus, ça tombe le jour de ta fête… Le soir, tu manges un petit dessert alors que depuis des jours que tu n’as rien mangé de sucré, de dire Mila Benoît encore émerveillée. Il y avait une énergie particulière autour de cette journée. Nous étions vraiment contents, pleins de fierté. »

Pierre-Benoît Rondeau-Chalifoux, heureux d’avoir trouvé le point de repère du sentier. (Courtoisie Mila Benoît)


De corps et d’esprit

21 jours. L’épuisement aussi intense que l’envie d’aller jusqu’au bout. Peu avant la fin, ils décident, passé le mile 30, de terminer le périple en hélicoptère : « C’était assez, on avait eu assez d’épreuves, rit-elle. Honnêtement, cette option, je la conseille aux gens, ça finit sur une super bonne note. »


Après une telle épopée, l’esprit est encore dans les vallées, le corps, lui, se reconstruit. « Quand on se réveille après avoir fait la trail, on sent toutes les petites courbattures. Ça fait maintenant 14 jours qu’on a terminé, et, le matin, je me sens encore fatiguée », explique-t-elle.


Selon ses calculs, comprenant le vol aller-retour, la nourriture et l’équipement pour 21 jours, le montant d’une pareille épopée reviendrait aux alentours de 3 000 dollars.

Après une épreuve relevée par un nombre restreint d’élus, Mila Benoît est déjà tournée vers une autre perspective : franchir à nouveau le sentier Canol, mais cette fois, sous son manteau de neige. Ce reportage est initialement paru dans l'édition du 24 septembre 2020 du journal L'Aquilon.

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