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Réduction des services d’accouchements à Stanton : Une catastrophe pour des familles

Voyager pour accoucher est déjà une réalité difficile pour beaucoup de femmes dans le Nord. Et cette réalité s’est imposée comme un cauchemar pour de nombreuses femmes de Yellowknife qui ont appris à la dernière minute qu’elles devront aller accoucher à Edmonton.


(Crédit photo : Marie-Soleil Desautels)


Quelque 120 femmes viennent de voir leur plan de naissance changer à cause de l’interruption des services réguliers d’accouchement à l’hôpital Stanton. Deux d’entre elles, des Québécoises, nous ont confié leur réalité. L’une s’apprête à rentrer au Québec plutôt que d’aller à Edmonton, tandis que l’autre a soufflé espérer accoucher d’avance, à l’urgence, à Yellowknife.


Marisol Beauchemin et son conjoint sont arrivés fin juillet aux TNO depuis le Québec. La jeune femme de 25 ans était déjà enceinte; les dossiers médicaux ont été transférés à la clinique de Frame Lake et elle devait accoucher le 17 janvier de son deuxième enfant à l’hôpital Stanton. « Tout était en place, un couple d’amis devait s’occuper de nos deux chiens et de notre garçon de 18 mois », dit-elle.


« C’est catastrophique et un gros stress financier. On m’a d’abord expliqué à quoi j’aurais droit comme allocation pour les repas et l’hébergement et, finalement, parce que mon mari est militaire, on s’est fait dire que le gouvernement ne débourse rien, pas même le billet d’avion pour Edmonton ! », affirme la maman à la maison.


Elle expose deux options : aller accoucher à Edmonton, comme le prévoit le gouvernement, et ainsi se retrouver « seule de 3 à 5 semaines dans une chambre d’hôtel, à manger du resto » et, si elle devait accoucher avant que son conjoint ne la rejoigne, être seule dans un milieu où elle ne maitrise pas la langue. Selon ce scénario, son garçon devrait se faire garder, les chiens devront être placés, les frais s’accumuleraient. L’autre option est de se rendre avec son fils chez ses parents, au Québec, où ils seront logés, nourris et soutenus, et où son conjoint viendra la rejoindre – en espérant qu’elle accouche à la date prévue pour qu’il assiste à la naissance.


Le couple, pour des raisons monétaires, n’avait pas prévu aller au Québec durant les Fêtes.

« J’ai pleuré beaucoup. On n’avait pas mis d’argent de côté. On a deux chiens à faire garder, il y a les frais pour la maison, les billets d’avion, etc. On a si peu de temps pour tout organiser. »


Elle prévoit quitter les TNO cette semaine ou celle qui suit. Elle possède déjà une carte d’assurance-maladie des Territoires du Nord-Ouest et ne sait pas encore comment elle sera couverte dans la Belle Province.

« C’est vraiment épeurant »

Une autre Québécoise, Marie, qui préfère taire son nom de famille, espère presque accoucher avant de prendre son vol pour Edmonton. « Comme ça, ils n’auraient pas le choix, ce serait une urgence ! », dit-elle en riant. « Ça ne risque pas d’arriver, mais c’est un rêve que j’envoie dans l’univers, bien que ce ne soit pas l’idéal non plus. »


Elle et son conjoint, employés du GTNO, vivent à Yellowknife depuis trois ans. Ils ont une fillette, née à Stanton et qui fêtera ses deux ans le 21 décembre prochain, ainsi qu’un chien. « Je suis constamment avec ma fille, je ne l’ai jamais fait garder. C’est hyper angoissant de la laisser ici », dit-elle.


Le couple prévoit partir le 22 décembre pour Edmonton, le lendemain de l’anniversaire de leur fille. Les parents de Marie se déplaceront aux TNO pour s’occuper de la petite, du chien et de la maison. La jeune femme est aussi inscrite sur une liste d’attente pour accoucher à Hay River, auprès d’une sagefemme, ce qui serait, finalement, le moins pire scénario.


« C’est vraiment épeurant. Je ne suis jamais allée à Edmonton. Ce n’est pas mon monde, ce n’est pas mon médecin. Il faut trouver où se loger, se débrouiller pour les repas, etc. C’est beaucoup à gérer. »


Elle a un deuil à faire, aussi, poursuit-elle. « L’accouchement de ma fille à Stanton avait vraiment bien été. C’était génial, les infirmières étaient géniales. J’étais rassurée d’y retourner. Là, c’est l’inconnu. »


Le couple attend plus d’informations quant aux indemnités de déplacement auxquelles ils ont droit. « Heureusement, on a la chance que ce ne soit pas un fardeau économique. On ne se retrouve pas dans une histoire d’horreur comme d’autres familles », relativise-t-elle.

De nombreuses femmes ont d’ailleurs témoigné du cauchemar qu’elles vivaient dans d’autres médias ou sur Facebook.


La présidente de l’Association de sagefemmes des Territoires du Nord-Ouest, Heather Heinrichs, rappelle qu’un accouchement à distance est loin d’être idéal, ni pour maman ni pour bébé. « Ça crée de l’anxiété avant et après l’accouchement, ça accroit le risque de dépression, ça sépare des familles, d’autres enfants sont souvent laissés derrière, énumère-t-elle. Ça brise le lien qui s’établit entre le bébé et sa mère, ça interrompt et nuit à l’allaitement et certaines mères vont abandonner à cause de ça. Et c’est sans parler du fardeau économique que ça représente. »


« On s’imagine mal à quel point les conséquences de cette fermeture sont renversantes », conclut-elle.

Vague de solidarité

Un élan d’entraide a suivi l’annonce de l’interruption des services d’accouchement à l’hôpital territorial Stanton. Le groupe Northern Birthwork Collective a créé une campagne de financement pour aider les familles touchées par l’interruption des services obstétriques à absorber les couts imprévus. Sur Facebook, le groupe « Soutien pour les gens du Nord qui doivent se rendre en Alberta pour accoucher », créé le jour de l’annonce, compte déjà plus de 300 membres.

Des femmes touchées par la situation y exposent leurs besoins ou leur désarroi. Des Ténois et des Edmontoniens y offrent de l’aide, que ce soit pour s’occuper de maisons vidées de leurs occupants ou d’animaux de compagnie, pour préparer des repas, pour garder des enfants, ou pour du transport. Les administrateurs du groupe offrent aux bénévoles d’énumérer ce qu’ils sont prêts à accomplir dans un formulaire et, aux personnes touchées, d’exprimer leurs besoins dans un autre, afin de les mettre en contact.


En quelques chiffres

  • 120 : quelque 90 femmes des Territoires du Nord-Ouest et une trentaine du Nunavut devront se déplacer à Edmonton pour accoucher.

  • 93 % : sur les 581 bébés nés aux TNO en 2019, 540 ont vu le jour à l’hôpital territorial Stanton.

  • 4 collectivités : seules les femmes d’Inuvik et de Yellowknife, ainsi que celles de Hay River et de Fort Smith dont la grossesse ne présente pas de complications, peuvent normalement donner naissance dans la collectivité où elles vivent. Les autres doivent se déplacer en voiture ou en avion.

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