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Un conseil alimentaire à Yellowknife ?

Dernière mise à jour : 31 janv. 2022

Les efforts des acteurs du secteur agroalimentaire gagneraient à être coordonnés par un conseil alimentaire, suggère une étude.


Petite pousse de chou frisé qui a fini ses jours dans l’estomac d’un Ténois. (Crédit photo : Marie-Soleil Desautels, Archives)


Des chercheurs de l’Université Wilfrid Laurier, en partenariat avec la municipalité de Yellowknife, ont exploré le potentiel d’un centre alimentaire dans la capitale. Ce qui ressort de l’étude parue en décembre : il faudrait d’abord établir un conseil alimentaire afin de mieux coordonner les acteurs de la scène locale. Ce sera ce conseil qui réfléchira ensuite au type de centre alimentaire – dit food hub, en anglais – qui pourrait répondre aux besoins de la communauté pour éventuellement en poser les bases.


La recherche a été dirigée par la doctorante Jennifer Temmer avec le financement de l’organisme sans but lucratif Mitacs qui soutient l’innovation. Des entrevues et des sondages ont été réalisés auprès de la communauté et trois conférences en ligne se sont tenues entre mars et juin 2021, avec, au plus fort, une cinquantaine de participants. Parmi ceux-ci, on comptait des agriculteurs, des producteurs de Yellowknife et d’ailleurs au territoire, des restaurateurs, des consommateurs et des représentants d’organismes sans but lucratif. Les conclusions ont été publiées en décembre dernier dans le Rapport sur l’infrastructure alimentaire de Yellowknife.


« Il y a vraiment un besoin de mieux coordonner les différents groupes, affirme Jennifer Temmer, lors d’une entrevue avec Média ténois. Tous les acteurs font des choses excellentes, mais séparément. En les rassemblant, en les faisant réfléchir sur leurs objectifs, sur leurs forces et sur les avenues de collaborations, ils vont se rendre compte qu’ils peuvent faire encore plus ».


D’où cette idée d’un conseil alimentaire qui rassemblerait autour de la même table les joueurs de l’alimentation locale, de même que les gouvernements municipal et territorial et des représentants des Premières Nations. Objectif : coordonner les efforts, prioriser les actions, partager les ressources et renforcer la communication tant entre eux qu’avec le public.

La doctorante Jennifer Temmer, lors d’une conférence en ligne qu’elle a menée pour sa recherche sur l’infrastructure alimentaire de Yellowknife. (Crédit photo : capture d’écran)


Financement

Mais pour qu’un tel conseil alimentaire soit durable et efficace, précise Jennifer Temmer, il faudra que son responsable occupe un poste officiel et payé. Impossible de ne miser que sur le bénévolat, sachant que les gens dans ce secteur sont souvent déjà très impliqués et surchargés, dit-elle. Elle maintient qu’à moins de trouver d’autres sources de financement, « il faudra un engagement de la part de tous les paliers gouvernementaux ».


Dénicher du financement pour ce futur poste est d’ailleurs l’une des choses à laquelle s’affaire son superviseur de recherche, Andrew Spring. Le professeur adjoint à la Faculté des Sciences de l’Université Wilfrid Laurier connait bien la scène alimentaire à Yellowknife : il travaille depuis 2013 sur des projets aux TNO en lien avec l’adaptation du système alimentaire aux changements climatiques et il collabore avec des groupes locaux tels qu’Ecology North ou le Marché fermier de Yellowknife.


Les efforts pour améliorer l’autonomie et la sécurité alimentaire des résidents de Yellowknife ne datent pas d’hier. La municipalité a adopté en 2015 la Charte alimentaire de Yellowknife, créée par un groupe d’organismes communautaires, et a mis de l’avant en 2019 sa stratégie alimentaire à long terme.


« Comme université, poursuit le Pr Andrew Spring, on a parfois accès à des sources de financement qui pourraient, dans ce cas-ci, soutenir les prochaines étapes. Il est important de travailler avec la communauté pour voir ce qui est nécessaire et tout aussi important de voir comment on peut leur offrir du soutien sans donner du travail supplémentaire à ceux qui s’investissent déjà beaucoup. »


Un conseil alimentaire permettrait à tout le monde d’aller dans la même direction, croit-il. « La ville a sa stratégie alimentaire et il y a beaucoup de changements proposés aux règlements et au zonage. Ç’a un effet polarisant : le contrôle qu’a la municipalité crée des tensions autour de l’aménagement. Un conseil alimentaire pourrait aider au dialogue ».

Questionnée lors d’un entretien, la mairesse de Yellowknife, Rebecca Alty, dit que « la ville serait honorée d’avoir un siège à la table [d’un conseil alimentaire] et de comprendre ce que son rôle pourrait être en joignant un tel groupe ».

Autres recommandations

Mis à part l’établissement d’un conseil alimentaire, le rapport propose d’accroitre la production locale en identifiant des espaces potentiels pour des jardins tant dans les lieux publics que privés. Il suggère aussi de réserver des espaces dans les jardins communautaires pour ceux qui veulent faire une production commerciale.


L’étudiante au doctorat Jennifer Temmer recommande aussi de connecter consommateurs et producteurs grâce à une plateforme en ligne. Les producteurs pourraient maintenir des listes à jour de leurs produits disponibles, ce qui aurait pour effet de stimuler les commandes.


Une autre plateforme en ligne est conseillée, cette fois pour répertorier les espaces de cuisines commerciales existants afin que ceux qui en ont besoin puissent facilement les réserver et y accéder. Cette plateforme pourrait précéder l’élaboration d’un centre alimentaire, soit une nouvelle cuisine commerciale qui réunirait des incubateurs d’entreprises et permettrait les transactions entre tous les producteurs locaux.


« Toutes les recommandations viennent de la communauté et sont centrées sur les priorités identifiées par les participants de l’étude », insiste Jennifer Temmer.


Le rapport souligne aussi des problèmes déjà identifiés et connus, tant par la ville que par les producteurs, comme l’accès aux terres, à l’eau et à l’énergie. Les couts associés à ces ressources bloquent en effet des projets potentiels.


« Plusieurs points relevés dans le rapport de Wilfrid Laurier sont déjà dans notre stratégie alimentaire et dans notre plan de mise en œuvre, dit la mairesse Rebecca Alty. D’explorer ce que pourrait être un centre alimentaire faisait partie de notre stratégie et cette recherche vient y répondre. Elle a été faite pour la communauté et, comme gouvernement, on l’utilise pour s’assurer qu’on est sur le droit chemin et s’ajuster. »


La mairesse dit que son administration « étudie actuellement des solutions » pour faciliter l’accès aux terres, par exemple, en offrant des congés de taxe pour quelques années. La municipalité travaille aussi sur des changements dans ses règlements de zonage.


La mairesse reconnait qu’un autre défi pour les producteurs est la paperasse. « Il faut simplifier notre règlementation et nos processus, dit-elle. Et, avec un peu de chance, le gouvernement territorial va améliorer sa bureaucratie aussi ; lorsqu’ils font quelque chose de nouveau, c’est comme si c’était trop règlementé, car ils n’ont encore aucune règlementation. On entend souvent de la part des producteurs qu’il y a des règlements qui ne font pas de sens. »

Et quel centre alimentaire ?

Yellowknife a déjà des centres alimentaires, affirme le professeur Andrew Spring, en donnant en exemple le Marché fermier ainsi que l’entreprise Bush Order Provisions, dans le quartier Kam Lake, où la collaboration est mise de l’avant. Il maintient qu’il existe plusieurs modèles de centres alimentaires et que c’est la communauté, par l’intermédiaire d’un conseil, qui décidera de ce que pourrait être le prochain.


« Un centre alimentaire, ça peut être un édifice où la nourriture entre et sort, un endroit où des connaissances sur l’alimentation sont échangées et où l’on acquiert des compétences, une coopérative ou même simplement un modèle de gouvernance. La question est de savoir ce dont Yellowknife a vraiment besoin ».


Il y a une « scène locale très florissante en alimentation » à Yellowknife, continue-t-il, tout en soulignant que la sécurité alimentaire préoccupe tous les tenants d’une industrie agroalimentaire locale. « Je vivais à Yellowknife en 2014 lorsqu’un feu de forêt a bloqué la seule route par où transitent les produits agricoles. Il est primordial que l’autonomie alimentaire s’améliore à Yellowknife. »


L’auteure du rapport, Jennifer Temmer, ne doute pas qu’un conseil alimentaire verra le jour. « Le mouvement en faveur des aliments locaux à Yellowknife est profondément ancré dans la communauté et mené par des gens hyper motivés qui ont une vision, dit-elle. On a déjà les leadeurs et les champions du secteur agroalimentaire. »


L’agricultrice France Benoit, qui siège sur le conseil d’administration du Marché fermier, a par ailleurs refusé de répondre à nos questions : elle n’a pas encore eu le temps de se pencher en profondeur sur les recommandations du rapport ni de consulter les autres membres du CA, écrit-elle par courriel. Pourquoi ? Car le marché s’apprête à lancer un « gros projet pour augmenter la présence de légumes » sur les étals cet été. Comme quoi ces champions ne chôment pas et font croitre bien plus que des pousses.

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