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Une partie de la subvention Nutrition Nord ne finirait pas dans les poches des consommateurs

Dernière mise à jour : 29 nov. 2023

Selon une étude parue en septembre 2023, une partie des subventions allouées aux distributeurs par le programme Nutrition Nord n’aboutiraient pas dans le portemonnaie des consommateurs des collectivités, comme elle est supposée.


Lambert Baraut-Guinet


IJL – Réseau.Presse – L’Aquilon


C’est une observation qu’ont réalisés Tracey Galloway et Nicholas Li, de l’Université de Toronto, en essayant de comprendre comment les subventions allouées par le programme Nutrition Nord Canada aux magasins distributeurs de produits de première nécessité étaient utilisées.

« Les détaillants qui acceptent de participer au programme annoncent répercuter toutes les économies réalisées grâce à l’argent qu’ils reçoivent [du programme Nutrition Nord] pour payer le fret », explique Nicholas Li, coauteur de l’étude.


Or d’après leur étude, publiée en septembre 2023, pour chaque dollar supplémentaire distribué par le programme fédéral entre 2010 et 2020, seuls 67 cents sont réellement déduits des produits à l’achat. Une observation qui soulève forcément la question du tiers restant, qui finirait d’après les chercheurs dans la poche des distributeurs.


Mesurer l’efficacité d’un programme de subvention d’aide alimentaire

Le programme Nutrition Nord Canada, mis en place en 2011 par le gouvernement fédéral pour rendre plus abordable et réduire les couts des biens alimentaires de première nécessité dans les communautés et collectivités isolées du Canada.


« Ces communautés sont situées au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut, en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba, en Ontario, au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador », explique Carolane Gratton, porte-parole pour Affaires du Nord Canada, ministère fédéral responsable du programme Nutrition Nord.

Le programme de subvention, dont le montant total se chiffre à 131 M$ pour l’année fiscale 2022-2023, est remis en question par un rapport publié pour la première fois il y a deux ans et redevenu d’actualité récemment, comme le raconte Radio-Canada.


Nicholas Li l’explique, étant donné que les participations affichées sur le site de Nutrition Nord concerne un panier global et non des produits individuels, « on ne se sait pas exactement quels sont les prix réels sans la subvention ». Pour chacun de ces produits, les enseignes sont libres de fixer leurs prix. Comme le précise Li, « rien n’empêche les distributeurs d’augmenter le prix des produits pour compenser en partie la baisse due à la subvention ».


Pour mesurer l’impact de la subvention donc, impossible de regarder les prix individuellement. À la place, les chercheurs ont plutôt tenté de mesurer les impacts d’augmentations des subventions de Nutrition Nord lors de deux moments, 2016 et 2019.

Le résultat de cette mesure, le rapport entre la somme investie par le programme et le bénéfice reçu par le consommateur, c’est ce que Nicholas Li et ses collègues appellent la répercussion de la subvention. Une répercussion de 100 % indiquerait que l’intégralité de la subvention se retrouve dans le panier consommé, alors qu’une valeur de 0 % indique que la subvention n’a eu aucun impact sur le prix final. Sur l’ensemble de la période étudiée, donc de 2010 à 2020, Li et Galloway estiment que la répercussion à 67 %, soit environ un tiers de l’argent versé par Nutrition Nord qui n’est pas perçu par les consommateurs.


Un besoin de plus de transparence

« En octobre 2016, une vingtaine ou une trentaine de collectivités sont devenues éligibles à la subvention, explique Nicholas Li, et en janvier 2019, la subvention a augmenté, surtout pour certains produits comme le lait, les fruits surgelés et les légumes. »

Ces augmentations, les chercheurs les ont traquées dans les prix déclarés du panier moyen des collectivités subventionnées. Et c’est en mesurant ces derniers qu’ils ont conclu que l’intégralité de l’aide fédérale n’était pas tout le temps répercuté sur les prix. Avec des variations, évidemment.


En 2016, pour les collectivités concernées, « la transition a vraiment été de zéro subvention à un niveau élevé, précise Nicholas Li. On voit un effet et visiblement on est assez proche de la répercussion totale de la subvention. »


Brady Deaton Jr, professeur à l’Université de Guelph et co-auteur de l’étude de 2016 explique que les résultats de Li et Galloway « sont consistants avec leur estimation […] sur les collectivités du Nunavut. C’est [un constat] important, car presque la moitié des subventions de Nutrition Nord sont allouées au Nunavut. »

En 2019, par contre, Nicholas Li explique que si « le montant de l’aide a augmentée partout, l’effet [sur les prix] est moins visible. » Dans les communautés n’ayant qu’un seul magasin, les prix n’ont diminué que de 26 cents par dollar perçu de subvention.


Un défi pour tous les acteurs

Ces disparités, les économistes ne les imputent pas seulement aux distributeurs et à leur gestion des prix. Les difficultés liées à la gestion et la logistique du commerce de biens de premières nécessités dans le Nord sont énormes, et beaucoup de ces petits magasins « rendent un service inestimable dans de nombreuses communautés », conclue Li.

Les deux économistes proposent, dans un article publié pour The Conversation, d’exiger plus de précision de la part des distributeurs en exigeant qu’ils publient publiquement les prix des biens bénéficiant de la subvention. D’après Carolane Gratton, d’Affaires du Nord, cette exigence est déjà imposée aux détaillants, qui doivent soumettre chaque mois des données sur les prix. Elle explique que « le Ministère travaille avec les détaillants et les fournisseurs pour répondre aux recommandations formulées par les vérificateurs tiers et pour élaborer des plans d'action, au besoin.»

D’après la porte-parole d’Affaires du Nord, des contrôles de conformités ont également lieu chaque année chez quelques détaillants, ce qui « permet de déterminer s'ils respectent les conditions de l'accord de financement qu'ils ont signé et comprend une évaluation de l'efficacité logistique, de la transparence des prix et des marges de profit. »

« Exiger plus de transparence tout en rendant plus facile pour les acteurs plus petits de bénéficier de la subvention pourrait faciliter la compétition sur le marché », explique Li. Une compétition souvent inexistante, surtout dans le Nord. La Compagnie du Nord-Ouest, par exemple, reçoit environ la moitié des 131 M$ distribués par Nutrition Nord, tout en garantissant sur leur site « utiliser la totalité du montant de la subvention pour réduire les prix de détail pour les consommateurs ».



La députée du Nunavut critique le programme Nutrition Nord

Lori Idlout, députée du Nunavut, a demandé lors d’une session parlementaire à Ottawa, fin octobre 2023, une réforme du programme Nutrition Nord.


Celle qui a déjà demandé à plusieurs reprises des changements majeurs du programme a dénoncé notamment que le prix des aliments au Nunavut ne diminue pas.


« Le ministre Vandal souhaite protéger les riches sociétés à but lucratif. Pour lui, aider quelques chasseurs équivaut à subventionner des millions à ces sociétés,» a-t-elle déclaré sur X (anciennement Twitter) le 26 octobre 2023.


Dan Vandal, ministre des Affaires du Nord, ministre responsable de Développement économique Canada pour les Prairies et ministre responsable de l’Agence canadienne de développement économique du Nord a répondu à la députée que 163 M$ avaient été alloués au programme en 2022 et que de nombreux financements pour des programmes de support aux chasseurs de l’Arctique existent actuellement.


Membre du Nouveau Parti Démocratique et élue en 2021, Lori Idlout a indiqué que le cout des denrées alimentaires en Arctique ainsi que l’offre de logements sont les deux problèmes majeurs que les citoyens du territoire abordent avec elle.



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