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Violences sexuelles : inclure les hommes dans la lutte

Pour la militante féministe Nancy MacNeill, la lutte aux violences sexuelles ne doit plus être exclusive aux femmes.

Thomas Ethier - IJL - Territoires


Forte d’une vingtaine d’années de militantisme et de travail d’éducation auprès des jeunes des TNO, la Ténoise Nancy MacNeill tentait l’été dernier une prouesse sans précédent. « J’appelle les hommes de Yellowknife à créer un groupe/coalition/organisation ayant pour objectif de mettre fin aux violences fondées sur le genre et aux violences sexuelles sous toutes leurs formes », a-t-elle réclamé sur Facebook, le 30 aout, dans une lettre partagée 76 fois.

Cette missive a porté fruit. Depuis septembre, le groupe Answer the Call réunit des hommes de Yellowknife autour des enjeux liés aux violences subies par les femmes. Trois mois plus tard, quel regard porte la militante sur cet appel à l’action ? Radio Taïga en a discuté avec elle.

« Je réalise aussi que plusieurs hommes veulent respecter l’espace de revendication des femmes, et qu’ils hésitent alors à se prononcer haut et fort.?» (Courtoisie Nancy MacNeill)


En publiant cette lettre, vous confrontiez tous les hommes de Yellowknife à leurs responsabilités face à une culture de violences sexuelles normalisée. Comment les hommes l’ont-ils perçu, et comment l’avez-vous vécu ? J’avais peur, j’étais très inquiète et très nerveuse. Je n’avais jamais fait ce type de confrontation et je me demandais ce qu’allaient en penser les gens, si j’allais recevoir des menaces. D’un autre côté, je savais très bien comment je me sens et comment mes amis se sentent par rapport à cette situation. Après avoir consacré 20 ans à défendre les droits des femmes, j’ai réalisé que je devais inclure les hommes à la lutte.

J’ai été agréablement surprise des réactions. J’ai compris que des hommes souhaitent s’engager. Je réalise aussi que plusieurs hommes veulent respecter l’espace de revendication des femmes, et qu’ils hésitent alors à se prononcer haut et fort. Il s’agissait de créer un espace et de les y inviter. C’est très intéressant de voir la façon dont les hommes font face à cette confrontation.

Et comment y font-ils face ? C’est très difficile d’intégrer une lutte et de changer les choses ! À Yellowknife, la communauté des organismes à but non lucratif et des luttes sociales est complètement dominée par des femmes. C’est gratifiant de voir que de nouvelles personnes font l’apprentissage de tout ce que ça prend pour apporter des changements à une communauté.

La lutte sociale doit suivre une courbe d’apprentissage. Mon ami Jay Boast — qui organise les rencontres Answer the call — en sait quelque chose. À un moment, moins de gens se présentaient aux rencontres, et il a été déçu. J’ai pourtant vécu ce genre de défis toute ma vie d’adulte ! On doit travailler fort pour maintenir la motivation. Et puis, il vaut mieux quelques personnes vraiment engagées à faire avancer les choses, que de grands feux de paille, comme j’en ai vu souvent !

Dans votre lettre, vous affirmez que « les femmes ne se sentent pas en sécurité » à Yellowknife. Que vouliez-vous dire, exactement ? Il devenu évident que les relations malsaines sont normalisées. Plusieurs personnes retrouvent tous les jours un partenaire avec qui elles ne se sentent pas en sécurité. Plusieurs relations incluent des choses extrêmement malsaines et abusives, mais, puisqu’elles sont prévalentes, on ne les nomme pas ainsi. On croit aussi que ça n’arrive qu’aux autres. J’ai moi-même consacré 10 ans de ma vie à enseigner les relations saines à des jeunes et, malgré tout, ce genre d’histoires m’arrive encore !

Dans la communauté artistique, nous participons à beaucoup d’évènements festifs. Chaque fois, plusieurs femmes, malgré qu’elles ont du plaisir, sont préoccupées par quelque chose. Du coin de l’œil, on surveille untel, ou on s’assure qu’untel n’est pas là, sinon, on préfère partir. Même s’ils sont au même endroit, les hommes et les femmes vivent une expérience complètement différente.

Bien des hommes que je connais ont ces réflexions, à un âge plus avancé, après avoir eux-mêmes adopté un comportement abusif, et s’être dit « ce n’est pas la personne que j’ai envie d’être ! ». On leur a bien sûr enseigné dès l’enfance à ne pas faire de mal aux femmes, mais on ne leur a jamais enseigné la façon de réagir à un conflit ou d’accepter le rejet, par exemple. On enseigne aux garçons à ne pas maltraiter les femmes, mais on ne leur explique pas comment traiter les femmes convenablement.

Lorsque des hommes prennent la parole pour dénoncer le patriarcat, certaines personnes réduisent ces propos à un simple étalage de la vertu, comme si l’expression de telles valeurs ne sert qu’à gonfler l’égo. Qu’en pensez-vous ? Je pense que le concept d’étalage de la vertu est une autre de ces expressions à la mode conçue pour étouffer une conversation. Plusieurs hommes sont socialisés à croire qu’ils ne sont pas censés s’intéresser à ce genre de choses. C’est censé être un enjeu féminin, qui appartient aux femmes.

Le patriarcat confine les hommes dans cette minuscule boite où on leur dicte ce que c’est d’être un homme, en riant des hommes qui parlent de choses qui ne les concernent supposément pas. C’est plus confortable d’ignorer la violence faite aux femmes, que d’en parler.

Je réalise que ça prend beaucoup de courage de la part des hommes pour dire haut et fort : « je crois que quelque chose cloche dans la façon dont nous avons été élevés à traiter les femmes ». Parfois ils ne le diront pas tout à fait de la bonne façon, ils emploieront un langage inapproprié, ils vont peut-être se centrer davantage sur eux-mêmes en parlant de certains enjeux. Quand on apprend quelque chose, parfois, on se plante. Ça fait partie de l’apprentissage !

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